L’intelligence artificielle a connu un essor important depuis ChatGPT. Son développement rapide alimente beaucoup d’idées reçues. Voici quatre d’entre elles :
L’IA est vraiment intelligente
Les systèmes alimentés par l’IA semblent, à première vue, être intelligents. Le robot conversationnel ChatGPT est capable d’écrire des articles et s’adapte aussi aux questions ou demandes qui lui sont adressées, refusant notamment de répondre à des requêtes inappropriées (racisme, sexisme…). De même, les assistants vocaux peuvent répondre à nos questions, jouer de la musique ou encore donner la météo.
La réalité est que l’IA actuelle est une IA « faible ». C’est grâce à l’apprentissage qu’un système dit « intelligent » peut améliorer ses performances en apprenant à comprendre et simuler de plus en plus de schémas de raisonnement.
Bien que l’IA soit capable de bien des choses, elle n’a, en réalité, rien d’intelligent. Derrière ces systèmes se cachent en effet souvent des humains, ce que de nombreuses personnes ignorent ou ont tendance à oublier. Ils sont créés par des développeurs et s’améliorent grâce à ce qu’on appelle des travailleurs du clic. Ce sont des personnes qui sont payées pour entraîner ces IA en effectuant des tâches répétitives (catégorisation de contenus, triage de données…). Même les internautes, en discutant ou en soumettant des requêtes à ces systèmes, contribuent gratuitement à leur entraînement et à leur amélioration.
Ce travail est éprouvant, mais il est nécessaire pour éviter que les IA génèrent des propos violents, sexistes ou encore de fausses informations. C’est notamment grâce à ces travailleurs que ChatGPT est aussi éloquent et refuse de répondre à certaines questions.
Reconstruire artificiellement un cerveau reste au-delà de nos capacités technologiques actuelles. D’une part, parce que les neurosciences sont un champ récent et que l’on connaît encore mal le fonctionnement du cerveau et d’autre part, parce que les technologies nécessaires à la construction d’IA « fortes » n’existent pas encore.
Par conséquent, malgré les performances de l’intelligence artificielle, nous sommes loin de la mise au point d’une intelligence artificielle « forte » capable de rivaliser avec l’intelligence de l’Homme.
L’IA va prendre le contrôle de l’humanité
L’un des risques possibles, que beaucoup redoutent et qui a déjà souvent été soulevé par de nombreux films de science-fiction, est le développement d’une « superintelligence ». On entend par là une technologie capable de s’optimiser automatiquement et de s’affranchir de l’humanité. Les relations entre les humains et de telles technologies superintelligentes pourraient devenir problématiques dans la mesure où cette technologie dépasserait les humains et pourraient les dominer, ce que les sceptiques redoutent.
L’éminent physicien Stephen Hawking a averti qu’une fois qu’une IA suffisamment avancée aura été créée, elle progressera rapidement jusqu’au point où elle dépassera largement les capacités intellectuelles humaines, un phénomène connu sous le nom de « singularité », et pourrait constituer une menace existentielle pour la race humaine.
Les systèmes alimentés par l’IA étant de plus en plus performants, il est difficile de prévoir jusqu’où l’IA peut aller et si elle peut échapper au contrôle humain à l’avenir.
Des experts en IA se sont déjà penchés sur l’éventualité d’une intelligence artificielle super intelligente. Le résultat est sans appel, selon les chercheurs, il y a une probabilité de 50 % que l’intelligence artificielle surpasse les compétences humaines dans toutes les tâches d’ici 2047. Il est intéressant de noter que les répondants asiatiques prévoient ces avancements bien plus tôt que leurs homologues nord-américains.
Cela laisse donc 20 ans pour se préparer et mettre en place les garde-fous nécessaires.
L’IA va me voler mon emploi
Bien que l’IA soit très utile, elle peut également remplacer l’homme dans une grande partie des emplois, créant ainsi un risque important de chômage technologique au cours des prochaines décennies.
Le problème est que pour de nombreuses tâches, routinières et répétitives, les systèmes d’IA surpassent les humains et permettent d’obtenir des gains de productivité importants.
Les gens entrent généralement sur le marché du travail vers la vingtaine ; cela représente deux décennies de soins et d’éducation nécessaires pour rendre quelqu’un économiquement utile.
Mais l’IA peut apprendre de nouvelles choses presque instantanément et s’améliorer à chaque génération, en particulier lorsque le travail est répétitif et prévisible. Et contrairement aux travailleurs humains, les machines sont infiniment obéissantes, ne se fatiguent pas et ne demandent pas de salaire mensuel ni d’avantages sociaux, ce qui les rend plus productives, moins chères et donc plus rentables que les travailleurs humains.
D’après des études, un tiers des emplois aux États-Unis et en Europe seront affectés par l’intelligence artificielle.
Les enfants rentrant à l’école aujourd’hui sont formés à des techniques ou des métiers qui auront sans doute disparu demain, quand ils seront actifs.
Les métiers dans lesquels l’homme sera entièrement supplanté par l’IA sont des tâches massivement automatisables, reposant sur l’apprentissage d’une quantité colossale de données. Les métiers les plus en péril ne se limitent pas aux activités manuelles ou peu qualifiées mais intègrent les profils de comptables, juristes, secrétaires, conseillers bancaires, journalistes, traducteurs, dessinateurs, auteurs ou encore scénaristes : ils n’auront plus leur place demain.
Notre responsabilité est donc de ne pas orienter nos enfants vers ces métiers à hauts risques demain qui seront le fait de l’IA pour les orienter vers les métiers qui seront complémentaires de l’IA.
Par ailleurs, comme pour toute technologie disruptive, des emplois seront amenés à disparaître, mais d’autres emplois en rapport avec cette technologie vont être créés.
Toutefois, ce qui est incertain, c’est si ces nouveaux emplois seront créés assez rapidement pour offrir un travail aux nombreux travailleurs qui auront perdu leur emploi et si ces nouveaux chômeurs auront les compétences pour occuper ces nouveaux postes.
Il faudra que les pouvoirs publics investissent massivement dans des programmes de formation et de requalification.
Dans l’intervalle, on peut s’attendre à une période de transition difficile, qui pourrait durer vingt ou trente ans, où le chômage et les inégalités sociales augmenteront.
L’IA est plus objective que l’humain quand elle prend des décisions
L’IA est certes une machine, qui n’a ni émotions ni préférences, mais elle utilise les données qui lui sont mises à disposition pour tirer ses conclusions. L’IA n’est donc pas neutre lorsqu’elle prend des décisions, les résultats sont fortement influencés par les données d’entraînement.
Les amis suggérés sur un réseau social comme Facebook, l’attribution d’un poste dans l’administration, l’itinéraire d’un chauffeur Uber ou encore les recommandations de films sur Netflix… Les algorithmes sont au cœur de décisions importantes comme quotidiennes. Mais les exemples de discriminations algorithmiques se multiplient.
L’exemple le plus frappant est celui d’un algorithme développé par Amazon pour sélectionner les CV de postulants à des postes à responsabilités. Pour choisir les meilleurs candidats, le programme a scruté le profil des superformants de l’entreprise, et il a constaté qu’il s’agissait en grande majorité d’hommes. Il a donc massivement rejeté les candidatures féminines, aggravant la prédominance masculine dans l’entreprise.
En cause : les biais algorithmiques, c’est-à-dire des erreurs de conception bien humaines dans l’écriture des programmes informatiques. Elles sont le plus souvent masquées au nom d’un principe de rationalité mathématique, alors que la décision de faire payer davantage les habitants d’une région pour l’achat d’un produit en ligne est par exemple une décision strictement humaine.
Un autre élément peut conduire une IA à faire preuve de discrimination : les données partielles.
Deliveroo a ainsi été condamné par la justice italienne pour discrimination. En effet, l’algorithme de mise en relation des livreurs avec les restaurants pénalisait les employés ayant cumulé des périodes d’absence, y compris lorsque les absences étaient dues à un arrêt maladie. Pourquoi ? Parce que le programme n’avait pas cette information…